ICI NOUGARO
Une pièce de Charif Ghattas
avec Grégory Montel et Lionel Suarez

«Ici Nougaro» entre en résonance, en uppercut majeur avec le cri du cœur

«Ici Nougayork» qui retentit dans la chanson «Nougayork». D'emblée, tandis que les premières notes de l'accordéon magique de Lionel Suarez s'élèvent dans le théâtre, surgissent les « Stances à New York », portées par la voix du comédien Grégory Montel.

Ces « Stances à New York », que chantait Claude Nougaro sur la musique, le « synthé liturgique » de Michel Colombier, je les écoute quand j'ai besoin de faire sortir les larmes qui sommeillent en moi. Ces Stances me mettent le cœur à nu.

En ce 23 avril 2023, dans le Théâtre de l'Atelier à Paris, je me dis alors : « Ici Nougaro » commence fort.

L'intrigue de la pièce de Charif Ghattas tient autour du non-fabuleux destin de Mathias, comédien inspiré, habité par la musique des mots de Nougaro, au point de se sentir comme le sosie de Nougaro, sosie physique et spirituel.

Mathias a dans ses propos le rythme qui cogne, tendre, d'un Nougaro. Sa chérie Laurence le « largue ». Et l'on pense à la chanson « Une petite fille », dont Grégory Montel interprète fort à propos un extrait. Talentueusement.

Grégory, alias Mathias, a le phrasé de Nougaro, la gestuelle de Nougaro, un peu la voix de Nougaro, au point que c'en est troublant. Les jeux de lumière sur trois rideaux découpant la scène accentuent le trouble ressenti. Nougaro traverse Montel par instants, par fulgurances. A un moment du spectacle, je regarde vers la cime des rideaux, cherchant un signe sur-naturel de la présence de Claude, tant Nougaro hante l'espace en s'incarnant dans l'alchimique duo Lionel Suarez et Grégory Montel, le musicien et le comédien.

Lorsque tous deux font un fabuleux (là, le mot s'impose) medley de « chansongs » de Nougaro, je deviens une petite fille en pleurs. Je reçois les chants, sons, en plein cœur, je suis comme vrillée d'émotion, de nostalgie. Coeur. Corps. A ce propos, Mathias dit quelque chose comme : « Je pense trop. Lui, Nougaro, chante avec son corps. » Plus loin… « Nougaro est un animal. » Je cite de mémoire, peut-être imprécise, le texte de la pièce de Charif Ghattas.

Une évocation en voix off, voix de Grégory façon Nougaro, fait défiler des étapes importantes de la vie du poète, de Claude Nougaro. Mais les mots défilent vite, même pour qui connaît assez bien Nougaro. Je voudrais faire des arrêts sur les phrases. Ou tout rembobiner pour mieux écouter.

Au cœur à corps de l'intrigue, la possibilité d'un biopic sur Nougaro se profile de manière hélas hypothétique pour Mathias. L'agente artistique, Soraya, la « gent » artistique, n'a pas pensé à lui pour incarner le rôle. Alors que tout en l'acteur exhale, exalte, Nougaro. Mathias se sent cette fois largué par Soraya.

Comment n'a-t-on pas pensé d'abord à lui pour jouer Nougaro ?!
Lui qui vit et vibre à travers le swing des mots, le swing dansé chanté de Nougaro.
Me revient cet instant, où le comédien à contre-jour bouge nougaristiquement sur l'intro musicale de Nougayork. Incarnation existancielle.

Dans la pièce de Charif Ghattas, un passage m'a interpellée, parce que je m'y retrouvais en miroir sûrement. Là aussi, je cite de mémoire la tirade du comédien. Je retiens l'esprit, sinon la lettre. « Comment un inconnu au bataillon peut-il espérer devenir connu (au bataillon) en incarnant un nom (connu au bataillon) ? » Avant de devenir connu, ou du moins reconnu, l'artiste, l'acteur, le chanteur, passe bien par l'état de nom inconnu au bataillon. Comment quitter l'anonymat, sortir du bataillon des inconnus pour vivre de sa passion, Ici (passion) Nougaro ?

Ce spectacle m'a touchée, bouleversée par moments, troublée. L'auteur et metteur en scène m'a donné à réfléchir aussi, comme en miroir, disais-je, sur la confiance en soi, sur les méandres du chemin artistique. Il me revient en mémoire des mots de Nougaro résonnant en voix off dans le théâtre : « Je doute … Je suis un grand douteur. »

Sur le chant de l'accordéon, la voix du comédien se pose et développe la dernière tirade de la pièce. Lionel Suarez, au jeu divin, Grégory Montel, au jeu « nougaréen », se rejoignent sur les deux mots de la fin : « ICI NOUGARO ».

Crépitent alors les applaudissements : le public, nombreux, mes amis et moi, inconditionnels de Nougaro, venus assister à la dernière représentation à Paris de la pièce écrite et mise en scène par Charif Ghattas. L'auteur vient saluer entre l'accordéoniste Lionel Suarez et le comédien Grégory Montel.

En écrivant mes impressions sur ce spectacle, j'ai pris conscience que j'avais envie de lire à présent le texte de la pièce de Charif Ghattas. Comme pour prolonger l'émotion et la … réflexion. Les deux, réflexion, émotion, allant de pair dans cet Ici Nougaro.

Belle et longue tournée théâtrale au spectacle Ici Nougaro !
Merci Charif Ghattas Lionel Suarez et Grégory Montel !!!
Merci NOUGARO …
Isabelle Vajra,
inconnue au bataillon ; )
qui chante Nougaro parfois, Barbara souvent, Brel de temps en temps
Impressions qui n'engagent que moi,
le 26 avril 2023, à mon retour de Paris