Interview d'Isabelle Vajra par Georges Tsevrenis

Quelques questions de Georges Tsevrenis à Isabelle Vajra pour la presse grecque, en vue du concert en Hommage à Claude NOUGARO à Athènes le 31 octobre 2013.

Concert où la chanteuse Fenia Papadodima chantera Claude NOUGARO en première partie tandis qu’Isabelle Vajra chantera la seconde partie de cet hommage.

Georges Tsevrenis : - Vous êtes une musicienne interprète et vous avez « exploré » les univers de certains créateurs de musique. Lesquels et pourquoi ?

Isabelle Vajra - Je suis musicienne, pianiste de formation classique et chanteuse, parce que j’ai eu envie de poser ma voix sur les textes, les chansons de BARBARA, Jacques BREL et Claude NOUGARO.


Hélène Nougaro et Georges Tsevrenis, le 1er novembre 2013, le lendemain de l'Hommage à Claude NOUGARO à Athènes le 31 octobre 2013.

Par ordre de rencontre musicale dans ma vie sont entrés : d’abord Jacques Brel (j’avais quinze ans), Barbara (un an plus tard), Claude Nougaro (une poignée d’années plus tard).

Jacques Brel est entré dans ma vie d’adolescente partagée entre la musique classique et des études à dominante scientifique comme un choc ... philosophique. Tout à coup je sortais de ma bulle classique et je rencontrais l’univers du Grand Jacques en découvrant passionnément ses albums, les uns après les autres. C’était une rencontre pour-la-vie.

Un an plus tard, apprenant les liens fraternels qui unissaient Brel et Barbara, j’écoutais « L’album à la rose » de Barbara et je tombais sous le charme ineffable de la longue dame brune. Pour-la-vie aussi.

Enfin, tandis que je menais mes études de traduction de russe, une amie de ma classe de traduction, d’origine bordelaise, me fit découvrir Claude Nougaro, « baroque troubadour à guitare éclectique », définition de l’auteur par lui-même.

Cette amie Pascale, Claude Nougaro me dira plus tard d’elle :« Elle est à la source ».

Depuis, j’appelle cette amie entre nous : « la source ».

La rencontre avec le poète, le « musicien des mots », comme se définissait Nougaro, est la troisième rencontre majeure de ma vie dans l’univers de la chanson, des « musiciens des mots ».

Si j’ai exploré les univers de Barbara, Brel et Nougaro, c’est qu’ils sont véritablement une quête musicale, poètique et humaine dans ma vie. Tous trois sont mes phares pour traverser le fleuve personnel de ma vie et me relier aux autres par la grâce de leurs musiques et de leurs mots.

G.T. – Nougaro fait partie de votre vie. Racontez-nous Nougaro. Le musicien, le poète, l’homme.

I.V. – C’est en 1984 que j’ai rencontré Claude Nougaro chez lui, avenue Junot.

J’étais avec Pascale, « la source », et sa correspondante anglaise de passage à Paris.

Qui a sonné à la porte de la maison de Claude, dont la voix, quelques instants plus tôt, traversait les murs de sa maison avec la chanson « Petit taureau » (plutôt la chanson «Docteur Fever », selon Pascale, mais ma mémoire a ses raisons que la raison ignore, pourtant nous avons vécu la même rencontre), je ne sais plus.

Mais c’est bientôt Claude Nougaro qui est apparu et a accepté sans plus de manière que nous assistions à la répétition dans le salon de musique avec ... Maurice Vander, son pianiste et un autre musicien.

C’était la première impression de cette rencontre avec Claude Nougaro : la confiance accordée, la simplicité, la générosité, le partage. Nous avions l’honneur d’écouter Claude Nougaro en répétition comme dans un rêve tombé du ciel.

Par la suite, j’ai écrit des lettres, des courriers au fil des voyages de ma vie à Claude Nougaro. Je lui écrivis ma première carte postale d’Union Soviétique, où pour un an j’enseignais le français à Volgograd (ex-Stalingrad, voir l’immense chanson de Nougaro, « La neige », qui évoque notamment Stalingrad pendant la Guerre).

Ma seconde visite, entre deux périodes de vie en Russie soviétique me fit rencontrer Claude et Hélène, son amour pour-la-vie.

Hélène pour qui Claude écrira, entre autres chansons d’Amour, « L’île Hélène ».



Photos d'Hélène Nougaro évoquant la chanson de Claude Nougaro "L'île Hélène" sur... l'île d'Egine

Le poète Nougaro possède une inspiration divine, des mots emplis d’images, son « cinémot », comme il disait, le rythme d’un poète qui écrit comme un boxeur (à l’image de la chanson « Quatre boules de cuir »), mais dont les mots expriment tout aussi bien la douceur que la force et qui voguent, comme dans la chanson « Beaucoup de vent » sur les vagues des sentiments : « Allégresse et détresse qui s’ mélangent ».

Nougaro, le musicien ... Musicien des mots, dont l’oreille musicale a reçu l’empreinte de la musique classique par ses parents – papa, chanteur lyrique, « Mademoiselle maman », pianiste – et a connu le choc du jazz un beau jour en écoutant à la radio Armstrong...

Toujours Claude Nougaro a su s’entourer de musiciens d’exception. J’ai cité Maurice Vander, je citerai pêle-mêle Aldo Romano, Eddy Louiss, André Ceccarelli, Didier Lockwood, Richard Galliano , Yvan Cassar et ... le premier, parmi les plus grands, à avoir perçu le talent de musicien des mots de Nougaro et à avoir mis en musique ses textes : Michel Legrand.

Aussitôt résonne la musique de ... « Sur l’écran noir de mes nuits blanches... » trans-portant les mots de Claude Nougaro.

Le poète Nougaro a été, pourrait-on dire, adoubé, reconnu par son maître en écriture : le poète et écrivain Jacques Audiberti.

A propos de l’homme, l’ami Nougaro (me revient la chanson « Ami chemin » dédiée à son public), les premières impressions de la rencontre avenue Junot se sont révélées justes au long cours d’une amitié fidèle, empreinte d’affection, de respect et d’admiration : Claude Nougaro était une belle personne. Simplicité, humanité, générosité de l’homme mêlées au mystère de celui qui crée.

Mais il me semble que l’île Hélène, Hélène Nougaro, qui sera le témoin d’honneur de l’hommage à Claude Nougaro en Grèce, est seule habilitée à parler de l’homme au sens plus personnel.

G.T. – La musique aujourd’hui ?

I.V. J’ai construit un nouveau programme « Barbara et ses ils » ... Barbara et les auteurs, les musiciens qu’elle a rencontrés sur son chemin de Femme qui chante : Jacques Brel, Yves Duteil, Georges Moustaki, Claude Nougaro.

J’espère offrir bientôt ce programme au public grec. Mais auparavant l’heure est à cet hommage à Claude NOUGARO.

G.T. – Le public Grec vous a connue en 2012, qu’est-ce que vous auriez envie de lui dire ?

I.V. J’ai envie de dire au public grec que mes quatre premiers concerts Barbara en Grèce en 2012 ont été comme une rencontre de cœur avec la Grèce. Depuis, j’en ai la nostalgie, car de Mytilène à Veroia, de Thessalonique à Ioannina, je me suis sentie heureuse, accueillie grâce aux chansons de Barbara que j’ai pu partager avec le public grec, grâce à la chanson « Hartino to Feggaraki » que vous, Georges Tsevrenis, m’aviez demandé - comme une intuition juste, un trait d’union - de glisser dans mon programme Barbara. J’ai à cœur de sentir cette rencontre avec le public grec - et aujourd’hui avec la chanteuse Fenia Papadodima, qui partagera la scène Nougaro à Athènes avec moi, en présence d’Hélène Nougaro – se renforcer comme un lien d’amour fraternel qui grandit.

Isabelle Vajra, répondant aux questions de Georges Tsevrenis, le 11 octobre 2013, dans les starting-blocks de l’hommage à Claude NOUGARO à Athènes le jeudi 31 octobre 2013