Jour de grâce


Le mercredi 26 février 2020, Yves DUTEIL était reçu par Gabriel RINGLET au Prieuré de Malèves-Sainte-Marie en Belgique.

En France et dans tous les pays qui parlent « La langue de chez nous », chacun connaît l'auteur, compositeur et interprète, Yves Duteil. Mais qui, au-delà de son public, connaît vraiment sa « Profondeur de chant », pour reprendre le titre du livre qu'Yves DUTEIL a écrit avec Alain WODRASCKA.

En Belgique, Gabriel Ringlet est un prêtre, écrivain, poète, ancien vice-recteur de l'Université Catholique de Louvain, personnalité exceptionnelle par son rayonnement, son esprit de tolérance, son ouverture sur le monde croyant ou non-croyant, auteur notamment d'un ouvrage intitulé « Eloge de la fragilité » côtoyant un autre livre, « Et je serai pour vous un enfant laboureur », dont le titre est inspiré d'une chanson de BARBARA et François WERTHEIMER.

En ce mercredi des Cendres, premier jour du Carême, comme me l'avaient expliqué mes amis belges, André et Jeannine — en toute spiritualité laïque, puisque Jeannine et André sont athées — Yves DUTEIL était l'invité d'une Rencontre sur le thème PRENDRE SOIN de nos naissances et de nos morts.

Cette longue introduction de ma part ne doit pas décourager la lecture de cette journée qui a été marquante par sa beauté, son intensité et sa spiritualité.

En première partie, la Rencontre de 17h se présentait comme un entretien, pendant lequel Gabriel Ringlet interrogeait Yves Duteil, l'amenait à présenter le pourquoi, le comment, la naissance de chansons qui traçaient un chemin, dont le fil conducteur était ce « Prendre soin... », dont le fil vibrant était la bienveillance, l'engagement, le pouvoir des mots, la force de l'Amour face à la fragilité par moments de nos vies.

Si je ne devais retenir qu'un élément essentiel de cette première partie, ce serait la force de l'Amour qui unit Yves et Noëlle Duteil et qui a donné des Ailes à l'auteur et musicien Yves, disant d'Elle que lorsque Noëlle est entrée dans sa vie, « elle a allumé la lumière ».

Lumière ... Le mot est dit. Ouvrant comme une évidence sur la seconde partie, la célébration de 20h.

Avant d'avancer, si je puis dire, je tiens à noter, comme les cailloux du Petit Poucet, les chansons et textes sur le chemin de la première partie.

En ouverture, il y eut « La langue de chez nous ». Puis « Si j'étais ton chemin », dédiée à Toussaint, le petit-fils d'Yves et Noëlle.

La comédienne et récitante Sylvie Rigot a lu « Une lettre à Renaud » extraite du livre « Les choses qu'on ne dit pas » d'Yves Duteil aux Editions L'Archipel (2000).

Les Muz' and Friends, « poignée de femmes et d'hommes passionnés de musiques et d'accords », je cite le livret de la Rencontre, ont ensuite interprété la chanson de RENAUD intitulée « Les mots », où j'ai souri de joie intérieurement en écoutant ces mots : « Les poèmes d'un Léautaud / Ceux d'un Brassens, d'un NOUGARO / La plume d'un Victor Hugo / Eclairent ma vie comme un flambeau. »

Après quoi, Gabriel Ringlet a demandé à Yves Duteil de présenter la chanson « Dreyfus », qu'Yves a écrite en mémoire de son grand-oncle, le Capitaine DREYFUS.

Yves Duteil a expliqué les lectures choisies, sélectionnées pour leur justesse, qui ont précédé l'écriture du texte de la chanson, puis une fois l'écriture du texte achevée, la lecture de celui-ci devant la famille réunie qui a validé le texte, comme on donne un accord solennel, une acceptation pesée, pensée, posée pour un texte fondamental.

« Dreyfus » est une chanson vibrante et juste.

La transition va de soi vers « La chanson des Justes ». Yves Duteil a parlé du mot « juste », des mots justes, de la justice, du mot « juste » dans ses acceptions multiples, jusqu'à l'expression « juste ce qu'il faut ».

Ayant perdu une partie de sa famille dans les camps, Yves Duteil a écrit avec pudeur et justesse « La chanson des Justes ». En moi, le lien se fait aussitôt avec la chanson de Jean FERRAT « Nuit et brouillard ».

Espoir : « Des lueurs que les Justes ont allumées / La porte entrebâillée dans l'escalier / Sur le dernier refuge inespéré ... ».

Avec cette interrogation : «Faut-il accuser Dieu ? », Sylvie Rigot a lu un extrait du livre « La petite musique du silence », d'Yves Duteil, publié en 2013 chez Mediaspaul.

Avant de chanter « Pour que tu ne meures pas », Yves Duteil a évoqué cette période, où Noëlle a traversé une grave épreuve de santé. Pendant cette épreuve, Yves s'est mis à prier.

« Pour que tu ne meures pas / J'ai prié jour et nuit / Un Dieu que j'ignorais / Pour qu'il te garde en vie ».

Je crois me souvenir des mots qu’a dits Yves Duteil :

« C'est en priant que j'ai su que je croyais ». Croire, dans un esprit de spiritualité laïque. Car c'est ainsi qu'Yves Duteil définira plus tard dans la soirée sa spiritualité.

Plus tôt pendant l'entretien, Yves Duteil a évoqué leur fille Martine, qui préfère rester dans l'ombre, tandis qu'Yves a choisi d'être dans la lumière. Ce choix de la discrétion qu'il respecte.

La première partie s'est achevée sur la chanson « Mon petit âne corse » écrite pour quelqu'un. Quelqu'une ? En tout cas, un être proche.

Lumière ! Comme on dit « Moteur » au cinéma.

La célébration s'est ouverte à 20h, présentée par Gabriel Ringlet.

A propos de Gabriel Ringlet, je voudrais dire le rôle essentiel, et à la fois tout en retenue, qu'il a joué dans la Rencontre puis la Célébration, tel un Chef d'orchestre attentif et indispensable pour que la Partition soit interprétée jusqu’au moindre détail en respectant les nuances et en donnant des ailes à l'inspiration des Artistes. J'ai nommé là Yves Duteil et les Muz' and Friends, rejoints exceptionnellement par le guitariste et compositeur belge Quentin Dujardin.

« Qu'y a-t-il après ? » est la chanson qui a ouvert la Célébration. Je cite : « Si nos souvenirs se diluent dans l'infini / Qu'en est-il de nos amours et nos amis ».

S'en suivit un dialogue entre Gabriel Ringlet et Yves Duteil intitulé : « Nous sommes des passeurs de lumière . » Dialogue, pendant lequel Yves Duteil a dit, comme il l'écrit dans « La petite musique du silence » : « L'immatériel est souvent plus solide que la matière ».

C'est une phrase qui m'a marquée, qui s'est ancrée en moi, avec une résonance profonde.

Vint le Rite de la lumière.

Rite, avec un R majuscule, tant il est vrai que Gabriel Ringlet met les Rites a l'honneur en ouvrant dès le mois de Mai 2020 l’Ecole des rites et de la célébration du Prieuré de Malèves-Sainte-Marie.

Pour ce Rite de la lumière, chacun de nous dans l'assemblée s'est vu distribuer un cierge et du coeur de la travée centrale, de part et d'autre sur chaque rangée latérale, chacun a fait passer la lumière, la flamme d'un cierge à l'autre. Jusqu'à ce que tous dans |'église aient en main un trait de lumière, un cierge allumé, un trait d'union.

Il y eut une prière sur la lumière, avant que chacun n'éteigne d'un souffle la lumière entre ses mains.

Vint ensuite un texte sur le pardon, composé par Yves Duteil.

Je cite : « Pardonner, c'est se libérer du poids de la revanche, cueillir une fleur dans l'eau sale, chercher l'apaisement au-delà de la révolte. ».

Francine, Amie qui était à ma droite, juste en fin de rangée, m‘a fait remarquer cette image : « Cueillir une fleur dans l'eau sale ».

A ma gauche, se tenait Jeannine-André, en seul double prénom, tant ils ne font qu'un, comme Yves et Noëlle.

Puis vint la divine chanson « Le passeur de lumière ».

Quand j'écris « divine » , je ne sais pourquoi s'impose en moi la chanson « Divine idylle » de Vanessa PARADIS, dont le nom la prédestinait à faire passer la lumière, à être une Etoile incarnée.

« Le passeur de lumière » a résonné en |'Eglise du Prieuré comme un gospel. Tout commence par « Je connais par bonheur Un passeur de lumière Amoureux des étoiles Et curieux de la Terre ... ».

La chanson conclut sur les mots du refrain : « Il m'apprend à aimer par la beauté du geste ». Comme par hasard hier, je suis tombée (comme on dit « tomber en amour ») sur le livre de Bernard TIRTIAUX « Le passeur de lumière, Nivard de Champierre maître verrier », alors que je recherchais un livre de Julos BEAUCARNE, intitulé "BREL".

Digression : « Le passeur de lumière » m'avait été offert par une maman d'élève originaire de ... Belgique.

Pour plus d'esprit de synthèse, je relève à présent le déroulé de la seconde partie. « Nos absents nous accompagnent », récit tiré de « La petite musique du silence », avec pour illustration affectueuse la chanson « A ma mère ». Yves Duteil nous dira en souriant que sa maman, cruciverbiste, passionnée des mots, « aura toujours mangé froid », évoquant sa mère qui consultait le dictionnaire en plein repas.

Récit « La mort pour convaincre » avec pour conclusion : « Bien pauvre est l'argument de celui qui sème la mort pour convaincre. ».

La chanson « Armés d'amour » évoque les attentats du vendredi 13 novembre 2015. « Je choisis d'être résistant D'être armé d'amour jusqu'aux dents Je pense à ces âmes en allées Dont le seul crime aura été D'être heureux au mauvais endroit Tous nous aurions pu être là ».

Parfum. Evangile à 3 voix (Matthieu, Marc et Jean). Chacun aura déposé comme une onction bienveillante un peu de parfum, sous forme de cire moëlleuse au creux de la paume de son voisin en prononçant ces mots choisis par Gabriel Ringlet : « Que ce parfum encourage ta traversée ». Traversée de nos morts. De nos naissances aussi, puisque suivra aussitôt la chanson « Naitre ». Après la prière de l'Eucharistie, evkharisto signifiant merci en grec, Yves Duteil a chanté « Il me manquait toujours ». Puis après la communion : « Le simple fait que tu existes ». Deux chansons qui résonnent pour l'être aimé. Que l'on peut aussi percevoir, auront fait remarquer Gabriel Ringlet et Yves Duteil, comme résonnant pour un Etre essentiel.

Après « Le temps s'inscrit sur ton visage », dédiée toujours à Noëlle, Yves a chanté cette chanson qu'il a écrite pour celle qui préfère l'ombre douce a la lumière trop vive : « Prendre un enfant par la main »

Suivra comme un hymne « Pour les enfant du monde entier » « ... Qui n'ont plus rien a espérer /Je voudrais faire une prière / A tous les Maîtres de la Terre / A chaque enfant qui disparaît / C'est l'univers qui tire un trait / Sur un espoir pour l'avenir / De pouvoir nous appartenir ... »

C'est sur ces paroles, qui m'évoquent une autre chanson d'Yves Duteil - "Tous les droits des enfants" - sortie en 2003 pour faire connaître la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, que je voudrais conclure ces lignes.

Et exprimer à Yves Duteil et Gabriel Ringlet ma gratitude, mon evkharisto, pour ce jour de célébration, qui était touché par la grâce.

Isabelle Vajra, le 20.03.2020

Ce texte a été recopié tel quel ou presque sur l'ordinateur le 26 février 2021, un an jour pour jour après ce jour de grâce, vécu dans le « monde d'avant »

Le Blog à Part d'Yves Duteil
Le Prieuré de Malèves-Sainte-Marie